Quels sont les freins à la décarbonation des véhicules ?

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On en entend de plus en plus parler, le parc automobile global va devoir se verdir. Quand est-il vraiment d’un point de vue pratique ? Nous allons voir tout au long de cette série d’articles quels sont les freins qui ralentissent la décarbonation des véhicules. Nous nous focaliserons d’abord sur les véhicules électriques, avant de nous intéresser aux hybrides, hybrides rechargeables, hydrogène.

Première partie - les véhicules électriques

Commençons par comprendre ce que signifie décarbonation. Il s’agit de baisser les émissions globales de CO2 de biens, d’entreprises, d’industries, ou de secteurs d’activités tout entiers. Cela se fait majoritairement en substituant les sources d’énergies rejetant du CO2 dans l’atmosphère par d’autres n’émettant pas de CO2, et donc sans carbone, dites décarbonées. C’est donc dans un premier temps un processus de remplacement d’une source d’énergie par une autre, plus vertueuse pour l’environnement.

Un peu d'histoire!

Contrairement à ce que nous pourrions penser, la voiture électrique n’est pas une invention très récente. En effet, c’est en 1834 qu’est inventée la première voiture électrique. En 1852 est commercialisé le premier véhicule électrique à quatre roues. Bien entendu, rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui, car la batterie au plomb qui alimentait le moteur n’était pas rechargeable. Son autonomie était d’à peine quelques kilomètres. Son rendement était alors extrêmement faible, et cette invention relevait plus de la prouesse technique que d’une réelle solution en termes de mobilité. Il faut tout de même souligner que le moteur à explosion ne sera inventé qu’en 1860 par le franco-belge Etienne Lenoir. Ce mode de propulsion est donc plus jeune que son grand frère électrique, enfin sur le principe. Oui, car ici nous ne parlons que de mode de propulsion, et le moteur électrique que nous connaissons maintenant n’a plus grand-chose à voir avec son ancêtre du XIXème siècle ! Pour des raisons de rendement, le moteur thermique deviendra dès lors maître des engins roulants motorisés, et ce dès l’arrivée de la première voiture à moteur thermique commercialisée dès 1920 ; la célèbre Ford T.

Il faudra attendre 2008 et l’arrivée de la Nissan Leaf sur le marché pour voir enfin apparaître le premier véhicule 100% électrique sur les routes. Nissan aura alors comme seule concurrente sur le marché du tout électrique une voiture d’une marque maintenant bien connue puisqu’il s’agit de la Tesla Roadster. L’autonomie de ces deux modèles est alors plutôt faible, puisque celle-ci ne dépasse pas les 250 km en utilisation réelle.

Aujourd’hui les constructeurs sont de plus en plus nombreux à proposer des véhicules 100% électriques, les groupe Stellantis, Volkswagen, General Motors, Toyota et d’autres constructeurs ont tous au moins deux modèles différents parmi leur gamme.

Le premier des freins est le prix.

Aujourd’hui la voiture 100% électrique la plus abordable en France est la Dacia Spring. Il vous en coûtera 20’800€ hors bonus écologique (celui-ci pouvant faire baisser la facture à 15’184€). Pour comparaison la voiture à moteur thermique la moins chère du marché, elle aussi de la marque Dacia, est le modèle Sandero à partir de 10’490€.

Pour deux modèles de véhicules de la même marque, la version électrique sera en moyenne entre 20 et 25% plus chère que son équivalent thermique à l’achat. *

Les entreprises aussi sont concernées par ce frein, car le TCO (Total Cost of Ownership, ou cout global d’acquisition) des véhicules électriques est supérieur à celui des véhicules thermiques. Cela s’explique par un prix de revient kilométrique plus élevé à conditions de roulage égales en raison des prix de ventes plus élevés. Les véhicules électriques qui ne sont pas amortis sur une durée supérieure aux véhicules thermiques coûtent donc plus cher que leurs équivalents thermiques.

*Étude comparative réalisée selon les prix catalogue de plus de 15 constructeurs différents hors bonus écologique.

Manque de bornes de recharge

Le second frein à la décarbonation en ce qui concerne les véhicules électriques est le manque de bornes de recharge rapide. En effet, les fameux « super chargeurs » sont encore rares aux abords de nos routes. Notons d’ailleurs que ceux de la marque Tesla rendent incompatible la recharge d’un véhicule d’une marque concurrente. Le manque de chargeurs limite donc les opportunités de recharges, et ceux-ci sont souvent pris d’assaut aux heures de pointes, et lors des grands départs.

Un autre point important au sujet de la recharge de ces véhicules est la difficulté d’équiper les logements collectifs en bornes. En effet, s’il est facile d’installer une borne de recharge dans une maison individuelle, cela est beaucoup plus compliqué pour une copropriété. Et oui, l’installation de bornes de recharges, bien que celle-ci ne nécessite pas de vote, doit être présentée lors de l’assemblée générale. Il s’agit du droit à la prise, et l’installation est alors entièrement aux frais du propriétaire.

Notons qu’à l’heure actuelle en France, les parkings de moins de 40 places doivent être équipés de 10% de bornes de recharge, et de 20% pour les parkings de plus de 40 places. Ces chiffres sont des minima, et il n’existe pas de limite supérieure.

Le cycle de vie du véhicule

Un troisième frein à la décarbonation réside dans le cycle de vie du véhicule. La production de batteries génère beaucoup de CO2. De l’extraction des matières premières, à leur transport, jusqu’à la fabrication de la batterie, et son assemblage dans le véhicule. Aussi, un véhicule électrique doit rouler au moins 50'000 km sur chaque cycle utilisateur (par propriétaire) pour compenser les rejets de CO2 émis lors de sa fabrication. Or nous constatons que les véhicules électriques qui se retrouvent sur le marché de l’occasion ont entre 10'000 et 40’000km.

Il faut aussi savoir que les prix de l’électricité peuvent varier au cours de la journée. Entre 21h et 7h, les heures sont dites creuses, et le prix du Kw/h diminue de 29% par rapport au reste de la journée. Il vous faudra donc bien considérer le moment auquel vous rechargez votre véhicule pour réaliser des économies, et optimiser le coût de recharge de votre voiture électrique.

Evolution constante des processeurs.

Un autre frein à la décarbonation du parc automobile vis-à-vis des véhicules 100% électriques réside dans la constante évolution des processeurs. Et oui, si certains véhicules mettent à jour leurs systèmes via internet, le hardware lui peut parfois vite devenir obsolète. Prenons le cas de Tesla, et plus particulièrement de la Model 3. Au printemps 2022, le processeur Intel qui gérait l’affichage dans le véhicule a été remplacé par le processeur Ryzen, beaucoup plus performant. Ce nouveau processeur rend l’expérience d’utilisation de l’écran central beaucoup plus fluide. Les temps de chargement sont réduits, et le contrôle tactile est plus réactif et précis que sur les versions précédentes. C'est d'ailleurs un des points les plus importants pour les clients de cette marque, car il s'agit de la seule interface qui permet d'interagir avec le véhicule. Comme il s’agit d’un changement de processeur, les modèles précédents ne bénéficient pas de la même expérience, et cela ne peut pas se résoudre par une simple mise à jour du système. Cette évolution rapide des processeurs peut constituer un frein à l’achat à l'heure actuelle, car en tant que client vous souhaitez toujours être à la pointe de l’innovation, et des innovations trop rapides accélèrent l’obsolescence des modèles. Le risque à long terme, est d'avoir des mises à jour qui ne sont plus supportées par les processeurs, tout comme c'est le cas actuellement pour les smartphones.

D'où vient l'électricité?

Enfin, un dernier point qu’il est important de considérer lorsqu’on parle de décarbonation grâce aux véhicules électriques, est de savoir comment est produite l’électricité qui les alimente. En effet, en France la grande majorité de l’électricité produite provient du nucléaire. Il s’agit à l’heure actuelle de la manière la plus propre d’alimenter les véhicules électriques. Prenons le cas de nos voisins Allemands, ou même de la Chine où les ventes de véhicules 100% électriques explosent. Et bien toute électricité produite à partir des centrales à charbon ne peut être considérée comme « verte » en raison des forts rejets de CO2 dus au processus de transformation de l’énergie. En chine une voiture électrique roule en réalité à majorité au charbon, et donc sa participation à la décarbonation peut être considérée comme quasiment nulle.

Nous avons donc pu voir quels sont les freins actuels qui limitent la décarbonation des véhicule vis à vis des véhicules électriques. Dans la suite de cette enquête en deux parties, nous parlerons de l'hybridation, de l'hydrogène, et autres solutions de décarbonation dont on entend de plus en plus parler. Nous verrons aussi quelles sont les solutions pour lever ces freins à la décarbonation, et dans quelles mesures elles sont applicables.

Rendez-vous donc dans notre prochain article pour la suite de cette enquête!